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Le secret interdit.
Enquêtes biographiques et politiques
d’épuration
dans la fonction publique de
l’Allemagne unifiée.
(Résumé
du chapitre)
Les libertés publiques
définissent un vaste espace privé constituant une
condition de possibilité à l’élaboration de secrets, dont
l’étendue permettrait de différencier États démocratiques
et totalitaires : les premiers respectent l’individu,
les seconds investissent son espace privé pour le
manipuler. À cette construction idéologique s’oppose la
raison d’État, blanc-seing brandi par l’État qui légitime
ses actions violant l’espace privé. Réputée exceptionnelle
dans les démocraties, elle est cependant continuellement
présente dans la fonction publique qui incarne et sert
l’État.
En Allemagne, ceci se matérialise par une obligation et un
serment de loyauté à quoi répondent, logiquement, des
moyens mis à disposition de l’État pour s’assurer de la
loyauté des fonctionnaires. Ainsi, l’Unification
allemande, comme toute période de changement de régime,
s’est accompagnée d’une politique d’épuration destinée à
sélectionner les anciens citoyens est-allemands désireux
d’intégrer la fonction publique. La politique élaborée en
1990 se fondait sur des enquêtes biographiques
systématiques comportant deux volets. D’un côté, les
candidats remplissaient un questionnaire d’identification,
de l’autre, l’administration enclenchait une procédure
d’enquête auprès du service gérant les archives du
ministère de la Sécurité (« Stasi »).
L’honnêteté des réponses était évaluée à l’aune du contenu
des archives…
Dans cette procédure, le rapport au secret est complexe.
Alors que la RFA recherchait d’éventuelles activités
secrètes menées du temps de la R.D.A. (justifiant un
licenciement), les personnes soumises à enquête pouvaient
ignorer si un dossier les concernant était archivé et, a
fortiori, son contenu. Autrement dit, elles
ignoraient les informations biographiques que la R.D.A.
avait pu recueillir à leur insu, partant les informations
que la R.F.A. découvrirait. Le peu d’informations sur la
procédure renforça leur sentiment d’incertitude.
L’instrumentalisation du secret dans les politiques
d’épurations manifeste le pouvoir de l’État sur ses
serviteurs. Le jeu autour du secret (« que
caches-tu ? » ; « tu ne peux rien me
cacher » ; « je sais ce que tu
caches. ») y est particulièrement exacerbé :
l’État dispose d’informations sur ses
« serviteurs » que ceux-ci ignorent, créant
ainsi un sentiment de dépossession de soi. Plongés dans le
doute, les candidats n’ont d’autre choix que de se
conforment à ce qu’on attend d’eux ; le secret
devient alors un instrument pour discipliner.
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